Trou noir

Quand j’ai regardé ta vulve
Mon imagination s’est éteinte
Mon univers s’est rétréci
Occupé tout entier par ta chatte

À ce moment
Je n’ai pas voulu nous réduire
(nécessairement)
À nos seuls orifices

Mais toutes mes pensées
Restaient fixées
Sur ces quelques
Centimètres carrés de chair

Toute l’énergie de mon désir
Happée par le champ gravitationnel
De l’horizon des événements
De tes muqueuses

Pour qui nous observait
Le temps se dilatait
La peau décalait vers le rouge
Effet de marée entre nos cuisses

Je suis maintenant prisonnière
De ton ergosphère
Et des jets de plasma
Accompagnent notre fusion

Supplique sur un lit de satin rouge en forme de cœur

Éteins la lumière
Enlève ce peignoir et approche

Montre-moi un peu de peau
Décroche le téléphone

Je me suis fait belle pour toi
Harnachée de cuir le gode triomphant

Regarde ma bite comme elle me va bien
Je l’ai achetée en pensant à toi

Regarde on croirait vraiment que je bande
Viens sur le lit je serai ton amant

Reste tranquille pendant que je soulève tes jambes
Pour que tes pieds frappent la voie lactée

Essaie de ne pas crier pendant que je te baise
Comme un lièvre, dents sorties et oreilles rabattues

Pendant que j’attise et je que je fourgonne
Le feu ardent qui brûle tes entrailles

Pendant que je te ramone le conduit
En chantant chim chiminey chim chim cher-ee

Pendant que ma queue avance comme le canot
De Radisson — au plus profond de ton continent

En lacérant ta poitrine d’ange déchu
En branlant ta queue comme si c’était la mienne

Viens que je te déflore ô mon aimé
Sur ce lit de satin rouge en forme de cœur

Viens t’asseoir sur mon pieu
Comme sur le trône de Saint Pierre

Avant de boire à mon puits
Pour obtenir la vie éternelle

Switch

Il a voulu que mes vêtements tombent
Et ils sont tombés
Il a voulu que ses doigts me pénètrent
Et ils m’ont pénétrée
Il a voulu que des objets entrent dans mon cul
Et ils y sont entrés
Il a voulu que je lèche ses pieds, ses couilles et son gland
Et je les ai léchés
Il a voulu que je répète en m’astiquant le clitoris 
« Je suis ton esclave, prends-moi, encule-moi ! »
Et je l’ai fait
Dieu que je l’ai fait

Il a voulu me menotter au calorifère
Et il l’a fait
Il a voulu verser de la cire chaude sur mes seins
Et il l’a fait
Il a voulu m’enfoncer des aiguilles dans le dos
Et il l’a fait
Il a voulu m’éjaculer au visage
Et il l’a fait

Il m’a fait tout ça – et d’autres choses encore
Mais demain est un autre jour
Demain est un jour pair
Alors ce sera à mon tour de commander
Et je vous assure que je serai
Particulièrement cruelle
Parce que je viens de réaliser
Qu’il y a plus de jours impairs
Dans une année
Et qu’il m’a vilement escroquée

La nonchalante

Tu es si jeune
Et pourtant
Tu as déjà tout tenté
Goûté à tout
Épuisé tout ce que
La luxure peut offrir
Tu es revenue de tout
Blasée comme si mille vies
Étaient passées sur ton corps

Assise dans mon fauteuil de cuir
Sur les genoux un de mes curiosa
In folio relié pleine peau
Qui m’a coûté celle de mes fesses
Tu tournes les pages
En les regardant à peine

Sur les illustrations couleur
Suite interminable
D’hommes et de femmes
Iels forniquent en souriant
Toi tu leurs rends gentiment leur sourire
Presque par politesse

Iels te font signe 
« Viens, viens
 Viens tirer un coup avec nous
Ce sera une première fois inoubliable
Ce sera un plaisir inédit
Tu vas voir comme c’est agréable »

Tu leur réponds
« c’est gentil mais ça,
je l’ai déjà fait
à la fête de dix-sept-ans »
ou à la fac
ou au club échangiste
ou au donjon de Maîtresse Bianca
ou l’année dernière
ou le mois passé

Et elleux
Ça les rend un peu tristes
Mais ça leur passe assez vite
Parce qu’ils continuent
Page après page
À s’entuber par devant
Par derrière
Sur le côté
La tête en bas
Debout
Assis·es
Couché·es
À genoux
[…]
Dans le lit
Sur la moquette
Sous la douche
Dans le placard
Dans l’escalier
Dans l’ascenseur
Dans la voiture
Contre la benne à ordures
[…]
Avec les mains
Les doigts
Les pieds
Les seins
La bouche
La langue
Le nez
Les fesses
Les oreilles
Le gros orteil
Le cul
Les couilles
La bite
La chatte
[…]
Voire avec des objets
Aux formes invraisemblables
En latex
En cuir
En vinyle
En PVC
En inox
En verre
En bois poli
[…]
Des vibreurs
Des masseurs
Des vibromasseurs
Des boules vibrantes
Des anneaux
[…]
Des extracteurs de plaisir
Des machines pneumatiques à piston
Des machines à reluire chauffantes à tête chercheuse
[…]

Fist ce que doigt

Un doigt, c’est de l’aguiche :
C’est l’élémentaire politesse de celle
Qui sonne à la porte avant d’entrer.

Deux doigts, c’est déjà plus sérieux :
S’ils sont les prolégomènes à la démonstration
Qui ne peut faire autrement que suivre.

Trois doigts et c’est le départ pour Cythère :
Et si cet amant sait s’y faire, c’est si bon
Qu’on en demande à grands cris davantage.

Quatre doigts signent définitivement ma reddition :
Ils font avancer mon plaisir comme une locomotive
Alors que je suis ligotée sur les rails.

Cinq doigts et c’est le torrent qui se déchaîne
Depuis mes glandes de Skene et de Bartholin
Le dernier appel de main de la noyée.

L’elisir d’amore

« Est-ce que tu avales ? »

« Est-ce que tu recraches ? »

Pourquoi donc les propriétaires de braquemart
S’inquiètent tant de ce qui va advenir
De leur séminale liqueur
Une fois qu’ils nous l’ont confiée ?

Ma théorie personnelle
(Parce que selon eux
Nous sommes toutes sorcières)
Est qu’ils ont peur que nous récoltions
Leur substantifique moelle
Pour l’utiliser dans les philtres et potions
Que nous concoctons les nuits de pleine lune
Pour ensuite leur faire boire ces mixtures à leur insu
Et ainsi les attacher pour toujours à nos désirs
Les garder sous l’emprise de nos charmes magiques
Nouer à jamais leur aiguillette
Et les forcer à faire leur juste part
Des tâches ménagères
Sans qu’on ait continuellement à leur dire.

Fable d’És(al)ope

Maître Corbeau, devant qui j’étais agenouillée
Avait sous le prépuce du fromage
Et moi par cette odeur franchement dégoûtée
Je lui tins à peu près ce langage :

« Quelle est cette pâte odorante
Qui me soulève le cœur
Et dont la consistance grumeleuse
Me ferait vomir mon quatre heures ? »

À ces mots le Corbeau agita sous mon nez
Sa baguette à l’extrémité crémeuse et me dit :

« Arrête de faire ta pimbêche
Mets-la donc dans ta bouche
Ou tu seras privée de dessert. »

Que ceci soit une leçon pour tous celles et ceux
Qui succombent aux charmes de ces messieurs :
Vous ne pouvez pas vous fier
Au soyeux de leur pelage
Ni au blanc de leurs dents
Pour en déduire la qualité de l’hygiène
De ce qui se trouve dans leurs bobettes

Cerise perdue

La première fois que je me suis enfilée une bite
Je me suis demandé pourquoi tout le monde
En faisait tout un plat
Qu’après m’avoir mis la main au panier
Un type m’ait mis le saucisson au fourneau
Ça ne m’a pas fait particulièrement mal
Ça ne m’a pas fait particulièrement de bien non plus
Je ne me suis pas sentie irrémédiablement changée
Souillée, épanouie, déflorée ou encanaillée
Je n’ai pas senti que je passais de vierge
À putain ou hiérodule
Ce ne fut ni une révélation, ni une illumination

Je n’ai vu ni étoiles ni feu d’artifice
Je n’ai pas senti que je devenais femme
Je n’ai pas pleuré l’enfance qui s’en allait
Je n’ai pas senti toute mon existence basculer

La conséquence la plus durable
De ce coït des plus oubliables
Est cette première cigarette qu’il m’a offerte
Et que j’ai fumée tout de suite après

Celle qui a fait que je suis toujours accro
Et que je regrette encore trente ans plus tard.

Fomosexuelle

Fomo, fomo, fomo
Je suis toujours dans le fomo
Le fomo me gruge
Il aura ma peau

Je suis pourtant si bien
Toute seule chez moi
Avec ma tisane, mes chats
Les livres que je n’ai pas lus

Mais je ne fais que penser
À toutes ces femmes ces hommes
Ces personnes agenres et genderfluids
Qui s’amusent sans moi

Pendant que je bois ma tisane
Toute seule chez moi
Que je caresse mes chats
Devant les livres que je n’ai pas lus

Iels sont partout autour de moi
Nu·es et gémissant·es
Vêtu·es de latex suspendu·es au plafond
Un légume enfoncé dans chaque orifice

Et me laissent soupirer toute seule
Tisane froide à la main
La nuisette recouverte de poils de chats
Un livre que je n’ai pas lu sur mes genoux

Je sais qu’iels forniquent à deux, à trois, à trente
Recouvert·es de sperme de la tête aux pieds
Une vulve se frottant sur leur visage
Entouré·es d’une forêt de verges érigées

Alors je m’astique la chatte
Et pince mes mamelons
Tisane renversée à mes pieds
Sur le livre que je n’ai pas lu

En pensant à tout ce que je manque
À tous ces humains sexy
Se vautrant dans des délices
Que je suis en train de manquer

Fomo, fomo, fomo
Je suis toujours dans le fomo
Le fomo me gruge
Il aura ma peau

Le simulacre et la simulatrice

J’ai baisé dans la douche
Avec un clone
De Tom Jones
Âgé de trente ans
Après un concert en sueur
Et à paillettes
À Las Vegas
C’est un fait méconnu
Mais ils ont cloné Tom Jones
Tout de suite après la brebis Dolly
Pour que sa maison de disques
Puisse encore faire du blé
Longtemps après sa mort
Il m’a dit qu’ils étaient une douzaine
À brûler les planches six jours semaine
Partout en Amérique
Et que le public en délire
Ne se doutait de rien
Trouvant Tom Jones
Drôlement bien conservé
Et en forme pour son âge
Quelle arnaque
Si seulement iels savaient
Il m’a dit qu’il n’avait rencontré l’original
Qu’une seule fois
Pendant les répétitions
Que ça lui avait fait un choc
De constater de quoi il allait avoir l’air
Quand il serait vieux
Puis il a poussé sa bite noueuse
À l’intérieur de moi
Avec l’eau qui giclait tout autour
J’ai fait une pause
Un moment d’incrédulité
Il a balancé ses hanches
Comme il l’avait fait sur scène
Quand il a chanté
It’s not unusual
Exactement comme l’original
C’était à s’y méprendre
Et ça m’a drôlement épatée
J’ai failli jouir à la première estocade
Et j’étais bien partie pour prendre mon pied
Quand sortant de nulle part
Il a demandé si mon cul était
Plus ou moins rebondi que le sien
«Je veux juste avoir l’air parfait
Au cas où un paparazzo se pointerait
A-t-il dit en hanhannant
Et ça a gâché le moment
De constater qu’il pensait égoïstement
À des angles de caméra dans un moment pareil
Mon esprit a été envahi par des visions
De tous les autres clones
Réunis dans un jacuzzi
Me demandant de les sucer
À tour de rôle
En faisant aller leur cul rebondi
Et en chantant Whats’s New Pussycat
Avant de me balancer leur
Foutre manipulé génétiquement
À la gueule
C’était trop
Juste trop
J’ai fait semblant de jouir
J’ai crié
«Oh oui oh oui Tom oh oh oui»
Puis je l’ai repoussé
Il s’est retiré en faisant
Un bruit baveux
De bouteille qu’on débouche
Je me suis épongée
Rhabillée
En jurant qu’on ne me reprendrait plus
À copuler avec un artiste
Complètement fabriqué
Par l’industrie du showbiz.