Fist ce que doigt

Un doigt, c’est de l’aguiche :
C’est l’élémentaire politesse de celle
Qui sonne à la porte avant d’entrer.

Deux doigts, c’est déjà plus sérieux :
S’ils sont les prolégomènes à la démonstration
Qui ne peut faire autrement que suivre.

Trois doigts et c’est le départ pour Cythère :
Et si cet amant sait s’y faire, c’est si bon
Qu’on en demande à grands cris davantage.

Quatre doigts signent définitivement ma reddition :
Ils font avancer mon plaisir comme une locomotive
Alors que je suis ligotée sur les rails.

Cinq doigts et c’est le torrent qui se déchaîne
Depuis mes glandes de Skene et de Bartholin
Le dernier appel de main de la noyée.

L’elisir d’amore

« Est-ce que tu avales ? »

« Est-ce que tu recraches ? »

Pourquoi donc les propriétaires de braquemart
S’inquiètent tant de ce qui va advenir
De leur séminale liqueur
Une fois qu’ils nous l’ont confiée ?

Ma théorie personnelle
(Parce que selon eux
Nous sommes toutes sorcières)
Est qu’ils ont peur que nous récoltions
Leur substantifique moelle
Pour l’utiliser dans les philtres et potions
Que nous concoctons les nuits de pleine lune
Pour ensuite leur faire boire ces mixtures à leur insu
Et ainsi les attacher pour toujours à nos désirs
Les garder sous l’emprise de nos charmes magiques
Nouer à jamais leur aiguillette
Et les forcer à faire leur juste part
Des tâches ménagères
Sans qu’on ait continuellement à leur dire.

Fable d’És(al)ope

Maître Corbeau, devant qui j’étais agenouillée
Avait sous le prépuce du fromage
Et moi par cette odeur franchement dégoûtée
Je lui tins à peu près ce langage :

« Quelle est cette pâte odorante
Qui me soulève le cœur
Et dont la consistance grumeleuse
Me ferait vomir mon quatre heures ? »

À ces mots le Corbeau agita sous mon nez
Sa baguette à l’extrémité crémeuse et me dit :

« Arrête de faire ta pimbêche
Mets-la donc dans ta bouche
Ou tu seras privée de dessert. »

Que ceci soit une leçon pour tous celles et ceux
Qui succombent aux charmes de ces messieurs :
Vous ne pouvez pas vous fier
Au soyeux de leur pelage
Ni au blanc de leurs dents
Pour en déduire la qualité de l’hygiène
De ce qui se trouve dans leurs bobettes

Cerise perdue

La première fois que je me suis enfilée une bite
Je me suis demandé pourquoi tout le monde
En faisait tout un plat
Qu’après m’avoir mis la main au panier
Un type m’ait mis le saucisson au fourneau
Ça ne m’a pas fait particulièrement mal
Ça ne m’a pas fait particulièrement de bien non plus
Je ne me suis pas sentie irrémédiablement changée
Souillée, épanouie, déflorée ou encanaillée
Je n’ai pas senti que je passais de vierge
À putain ou hiérodule
Ce ne fut ni une révélation, ni une illumination

Je n’ai vu ni étoiles ni feu d’artifice
Je n’ai pas senti que je devenais femme
Je n’ai pas pleuré l’enfance qui s’en allait
Je n’ai pas senti toute mon existence basculer

La conséquence la plus durable
De ce coït des plus oubliables
Est cette première cigarette qu’il m’a offerte
Et que j’ai fumée tout de suite après

Celle qui a fait que je suis toujours accro
Et que je regrette encore trente ans plus tard.

Fomosexuelle

Fomo, fomo, fomo
Je suis toujours dans le fomo
Le fomo me gruge
Il aura ma peau

Je suis pourtant si bien
Toute seule chez moi
Avec ma tisane, mes chats
Les livres que je n’ai pas lus

Mais je ne fais que penser
À toutes ces femmes ces hommes
Ces personnes agenres et genderfluids
Qui s’amusent sans moi

Pendant que je bois ma tisane
Toute seule chez moi
Que je caresse mes chats
Devant les livres que je n’ai pas lus

Iels sont partout autour de moi
Nu·es et gémissant·es
Vêtu·es de latex suspendu·es au plafond
Un légume enfoncé dans chaque orifice

Et me laissent soupirer toute seule
Tisane froide à la main
La nuisette recouverte de poils de chats
Un livre que je n’ai pas lu sur mes genoux

Je sais qu’iels forniquent à deux, à trois, à trente
Recouvert·es de sperme de la tête aux pieds
Une vulve se frottant sur leur visage
Entouré·es d’une forêt de verges érigées

Alors je m’astique la chatte
Et pince mes mamelons
Tisane renversée à mes pieds
Sur le livre que je n’ai pas lu

En pensant à tout ce que je manque
À tous ces humains sexy
Se vautrant dans des délices
Que je suis en train de manquer

Fomo, fomo, fomo
Je suis toujours dans le fomo
Le fomo me gruge
Il aura ma peau

Le simulacre et la simulatrice

J’ai baisé dans la douche
Avec un clone
De Tom Jones
Âgé de trente ans
Après un concert en sueur
Et à paillettes
À Las Vegas
C’est un fait méconnu
Mais ils ont cloné Tom Jones
Tout de suite après la brebis Dolly
Pour que sa maison de disques
Puisse encore faire du blé
Longtemps après sa mort
Il m’a dit qu’ils étaient une douzaine
À brûler les planches six jours semaine
Partout en Amérique
Et que le public en délire
Ne se doutait de rien
Trouvant Tom Jones
Drôlement bien conservé
Et en forme pour son âge
Quelle arnaque
Si seulement iels savaient
Il m’a dit qu’il n’avait rencontré l’original
Qu’une seule fois
Pendant les répétitions
Que ça lui avait fait un choc
De constater de quoi il allait avoir l’air
Quand il serait vieux
Puis il a poussé sa bite noueuse
À l’intérieur de moi
Avec l’eau qui giclait tout autour
J’ai fait une pause
Un moment d’incrédulité
Il a balancé ses hanches
Comme il l’avait fait sur scène
Quand il a chanté
It’s not unusual
Exactement comme l’original
C’était à s’y méprendre
Et ça m’a drôlement épatée
J’ai failli jouir à la première estocade
Et j’étais bien partie pour prendre mon pied
Quand sortant de nulle part
Il a demandé si mon cul était
Plus ou moins rebondi que le sien
«Je veux juste avoir l’air parfait
Au cas où un paparazzo se pointerait
A-t-il dit en hanhannant
Et ça a gâché le moment
De constater qu’il pensait égoïstement
À des angles de caméra dans un moment pareil
Mon esprit a été envahi par des visions
De tous les autres clones
Réunis dans un jacuzzi
Me demandant de les sucer
À tour de rôle
En faisant aller leur cul rebondi
Et en chantant Whats’s New Pussycat
Avant de me balancer leur
Foutre manipulé génétiquement
À la gueule
C’était trop
Juste trop
J’ai fait semblant de jouir
J’ai crié
«Oh oui oh oui Tom oh oh oui»
Puis je l’ai repoussé
Il s’est retiré en faisant
Un bruit baveux
De bouteille qu’on débouche
Je me suis épongée
Rhabillée
En jurant qu’on ne me reprendrait plus
À copuler avec un artiste
Complètement fabriqué
Par l’industrie du showbiz.

L’avaleuse de sabres

Ma vie est un cirque
Une galerie des monstres
Où défilent nuit et jour

Femmes à barbe
Hommes canon
Hydrocéphales nains
Frères siamois bègues
Contorsionnistes obèses
Hercules aux biceps d’acier
Tatoués intégraux

Quant à moi, je suis
L’avaleuse de sabres
La tailleuse de calumet
La scalpeuse de mohican
Qui humecte le bâton du berger
Et qui est à tu et à toi avec le pontife

On peut se mettre en bouche
Bien des choses en somme
Cigarette stylo bille brosse à dents
En-cas de quinze heures trente
Chewing-gum goyave-ananas-menthe
Cornet à pistons baryton

Mais rien ne demande autant
De dextérité et d’adresse
Que de prendre en gorge
Une arme d’estoc et de taille
Une longue et large rapière
De chair et de sang

Dès le début il faut
Que l’épée soit bien rigide
Alors, mieux vaut la travailler
Qu’elle soit chaude et flexible
Qu’elle réagisse au moindre mouvement
Au moindre souffle
Au moindre changement de pression
Lors de la prise en bouche

Avec un peu de succion
Le sabre enfle et se déploie
Bat au pouls du désir
Et pour rien au monde ne quitterait-il
La douceur de mon palais
Alors toujours plus profondément
Il avance vers ma gorge
Plongeant au plus profond de mon âme
Quand je le tiens mollement
Entre mes lèvres
La friction baveuse le rend
Plus rigide encore
Souvent je reste immobile
Pur réceptacle
À genoux et essuyant l’estocade
La tête renversée
Méditative et souveraine

Les épées se succédant
Allant et venant dans mon gosier
Jusqu’à l’apothéose finale
Que gourmande je déguste
Sous un tonnerre de cris
Et d’applaudissements.

La ballade du scrotum mordu

Si tu voulais bien
Cesser de gueuler
Je pourrais t’expliquer

Ne prends pas cet air de martyr
Je t’ai juste mordu les couilles
Et pas très fort en plus

Laisse-moi jeter un coup d’œil
Non, je ne te toucherai pas
Je vais juste regarder

Ben voilà, on ne voit rien
Pas la moindre marque
Le sac à malices n’est pas percé

Bande, mon amour!
Bande encore !
Jusqu’à cent ans !

Dis-toi que ce n’était
Qu’une expérience qu’il fallait vivre
Un kink à rayer de ta bucket list

Je voulais juste essayer
Mais je n’aime pas du tout
Les poils m’ont chatouillé la gorge

Pas fameux, pas excitant
De ce point de vue
Je regrette vraiment

Cela dit il y a des gens paient
Pour se faire mordre les couilles
Juste avant de jouir

Parfois on leur lacère la bite
Parfois on la fend en deux
Et c’est donc deux fois plus cher

Des fortunes changent de mains
Des empires financiers se sont bâtis
Sur de simples morsures de scrotum

Le roi Lear légua son royaume à sa fille cadette
Qui sut transcender l’amour filial
Et lui mordre les couilles jusqu’au sang

Dieu lui-même au huitième jour de la création
Mordit dans ses propres schnolles
Et vit que cela était juste et bon

Oui, bon, d’accord
Je m’excuse, ok ?
On peut baiser, maintenant?

L’amour est-il un échange?

Pourquoi existons-nous ?
Ta queue entre mes fesses.
Pourquoi sommes-nous ici ?
Ma langue sur ton cul.
Pourquoi existe-il quelque chose plutôt que rien ?
Tes lèvres sur mes seins.

Peut-on avoir raison toute seule ?
Mes dents sur tes couilles.
Tout s’en va-t-il avec le temps ?
Mes cuisses autour de tes hanches, ta bouche aspirant mon souffle.
Doit-on obéir aux lois ?
Les mains liées derrière le dos, la pine dressée et les yeux grands
ouverts.

Peut-on être libre sans les autres ?
Relents de fente et de foutre dans la pénombre de ma chambre.
Suffit-il de parler pour dialoguer ?
Mes ongles en sang dans ton dos, avant de sombrer dans
l’inconscience.

Qu’est-ce que l’amour ?

Fais honneur à Ville Lemoyne

Allez ma vieille ne leur fais surtout pas honte
Qu’est-ce qu’ils diraient s’ils te voyaient maintenant ?
Ce n’est pas le moment de faire la mauviette
Et encore moins celui de te défiler
Arrête de tirer sur ta jupe trop courte
Arrête de penser à ton chemisier trop échancré
Relève le front et hausse les épaules
Fais claquer tes talons aiguilles sur le parquet
Qu’ils résonnent comme les trompettes de Jéricho
Montre-leur de quoi tu es capable
Mets-leur en plein la vue
Fais honneur à Ville Lemoyne

Il y en a combien, finalement ?
Cinq ? Huit ? Douze? Quatorze ? Dix-sept ?
Pas plus d’une vingtaine en tout cas
Celui-ci n’est pas trop vieux
Celui-là n’est pas trop moche
Ceux-là semblent à peu près propres
Rien de bien intimidant
Rien que tu n’aies fait au moins cent fois
Allez ma vieille il est trop tard pour reculer
Toi qui fanfaronnais bravache avec eux au téléphone
Toi qui disais que tu en as toujours eu envie
Fais honneur à Ville Lemoyne

Tu es à la hauteur tu le sais très bien
C’est toi la meilleure tu le sais très bien
Tes yeux de braise n’ont jamais eu froid
Tes muqueuses sont plus résistantes que le kevlar
Avec toi les daltoniens en voient de toutes les couleurs
Avec toi les hombres fuient la queue entre les jambes
Laisse-les arracher tes fripes tu les as achetées pour ça
Laisse-les saloper ton maquillage tu l’a mis pour ça
Montre-leur que tes ressources sont inépuisables
Montre-leur que la Rive Sud ne s’en laissera jamais imposer
Allez ma vieille écarte bien les cuisses
Fais honneur à Ville Lemoyne