Joyce Mansour

Je te cherche dans les collines et les greniers
Je te cherche sur l’ourlet de ma vulve
Je te cherche dans mes draps souillés de rêves
Je te cherche au Caire et à Paris
Je te cherche dans les placards du siècle
Je te cherche dans les rayons de poussière
Je te cherche sous la tranchefile
Je te cherche engluée au plafond
Je cherche ton poignard palpitant
Dans la nuit et dans la pluie 

Je cherche ton sexe de crabe
Je cherche les chats vérolés
Qui se nourrissaient à tes mamelles vertes
Je cherche les machinations aveugles de tes mains
Sur mes seins frissonnants
Je cherche ta peau séchée par la fumée des passions
Je cherche tes bas qui raffermissaient tes jambes
Ton corset qui soutenait ton corps tremblant
Tes rides tes seins ballants ton air affamé
Et tes robes qui sentaient ton corps pourri
Je cherche ton ventre pour me nourrir
Je cherche tes cheveux pour me rassasier
Je cherche tes reins et ta tête rasée
Je cherche ta langue qui perce mes yeux
Et qui les remplit de salive triomphante

Je te cherche aussi auprès des femmes
De ces femmes que tu voulais fuir
Ces femmes aux mains grasses
Qui caressaient tes seins nus
Et qui crachaient leur urine dans ta soupe
Je te cherche chez les femmes intempestives
Aux ongles de désert cisaillant
Aux aisselles de forêt ruisselante
Je te cherche chez les passantes
Qui ajustent effrontément leurs bas
Avant de vaporiser leur lymphe dans mon cœur

Je te cherche aussi dans les vices des hommes
Car ils étaient ton domaine
Je te cherche dans leurs plaies – tes doux gâteaux
Je te cherche dans leurs viles pensées
Que tu aimais tant mâcher
Je te cherche dans leurs cratères
Qui crachaient leur sperme froid de fantôme
Je te cherche sous leurs prépuces rances
Sur le papier bible de leur prétention
Dans leur ignorance de ton pouvoir

Je te cherche dans la laideur
Où tu trouvais toute ta beauté
Te trouverai-je assise devant une table cassée
La mort dans le ventre et rien dans l’armoire
Fatiguée de tout même de tes souvenirs ?
Te trouverai-je dans les mots d’enfants
Que tu as murmurés en mourant ?
Te trouverai-je près du phallus qui a sonné le glas
Le jour où tu t’es mise à dormir ?
Te trouverai-je enfin
Dans le désespoir de mes songes ?
Car tes désirs d’hier
Sont mes rêves de demain

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